jeudi 10 novembre 2011

Physautotype ou l'avant Daguerreotype.

Physautotype - (c) Mark Osterman
Lorsque l'on étudie l'Histoire de la Photographie depuis ses prémices, il est facile d'observer une évolution tout à fait logique entre les procédés qui se sont succédés. Toujours, nous retrouvons en chacun d'entre eux, un lien technique direct avec celui qui l'a précédé, comme une clé qui permet l'ouverture de l'évolution progressive.
Tour à tour cette clé passe des éléments chimiques, au simple support lui-même. Les découvertes s'entrecroisent parfois, reviennent même en arrière pendant un temps pour rebondir vers une amélioration réellement significative.

Je voudrais parler aujourd'hui du Physautotype...



 J'avais commencé mes recherches là dessus en début d'année et se sont les publications récentes et fabuleuses de Mark Osterman qui m'ont rappelé au bon souvenir de ce procédé mystérieux.
Il s'agit d'une technique de prise de vue directe, découverte par Niepce et Daguerre, avant même que le Daguerreotype ne soit venu au Monde, puisqu'il s'agit d'une création intermédiaire qui mènera justement au Daguerreotype lui-même.
(On retrouve par exemple dans le Daguerreotype l'utilisation de l'Iode sur la plaque d'Argent, qui sera une amélioration elle-même précédemment apportée au Physautotype. Sans entrer dans ces détails qui sont nombreux et dont nous pourrons tout de même parler au sujet des clés entre Physautotype et Daguerreotype, il est réellement intéressant d'observer tous ces petits liens entre ces procédés primitifs. Ce sont pour moi, des démonstrations du génie de l'Homme qui apprend et réutilise ses connaissances par assemblage d'idées, de déductions parfois utopiques et d'expériences pour l'évolution.)
Pour abréger, Niepce qui travaillait sur l'Héliographie au Bitume, avait saisi la capacité qu'ont une majorité de composés résineux à voir leur état physique se modifier sous l'effet de la lumière.
Les essais furent multiples... Niepce et Daguerre se sont alors arrêtés sur le résidu de l'essence de Lavande pour créer le Physautotype.

Les manipulations sont "simples" et les quelques écrits laissés par les inventeurs se résument à un paragraphe de quelques lignes. Je dis simple, car en Photographie tout est simple en théorie, mais une fois au labo, ça se complique...
On prend un volume d'essence de Lavande que l'on évapore doucement sous l'effet de la chaleur, jusqu'à obtenir le résidu, une résine foncée. Niepce et Daguerre ont écrit qu'il faut mener l'opération jusqu'à ce que ce résidu refroidi, soit cassant sous la pointe d'un couteau.
On dissout ensuite une minuscule partie de cette résine dans une certaine quantité d'alcool.
C'est toujours imprécis, mais les recherches des quelques "essayeurs" modernes ont montrés que la solution alcoolisée contient autour de 1% de cette résine.
On étend cette solution sur une lame de verre qu'on laisse sécher à l'obscurité. L'alcool s'évaporant, il laisse sur le verre, un réseau extrêmement fin de minuscules "globules" de résine, très divisé.
Les temps d'exposition sont ensuite absolument longs à la chambre obscure... On parle de plusieurs heures.
La résine sous l'action de la lumière se polymérise semble-t-il.
A l'issue de cette étape, l'image est latente, ce principe étant déjà connu par l'Héliographie au Bitume.
L'apparition de l'image se fera alors par l'intervention d'un solvant de la résine, ici l'essence de pétrole sous forme de vapeur. Ces vapeurs, en quelques minutes, viendront dissoudre les globules de résine non polymérisés par la lumière et former l'image finale que l'on observera sous un rayon de lumière tombant directement sur la plaque.
L'effet positif se produit ici par la réflexion de la lumière sur le réseau résiduel. (Encore un lien avec le Daguerreotype)

En début d'année donc, je me suis amusé à fabriquer ce fameux résidu d'essence de Lavande :



Je n'ai pas encore eu le temps de faire quelques essais.
Mark Osterman a fabriqué ce Physautotype (image en haut de page) via un contact entre une diapo et la plaque sensible et à partir de ce qu'ils appellent le "Violin Rosin" aux US, c'est à dire de Colophane. Il s'agit d'une résine ressemblant en tout point au résidu d'essence de Lavande et dont on enduit les crins des archets servant à jouer des instruments tels que le violoncelle, pour en améliorer l'accroche.
Pour ceux qui voudraient tenter le coup, on peut trouver ce Colophane sur ebay pour quatre ou cinq Euros.
Je viens d'en commander un pot à cette adresse : http://cgi.ebay.fr/COLOPHANE-DE-QUALITE-POUR-VIOLON-VIOLONCELLE-/180429702386?pt=FR_YO_OInstrumentsMusique_Cordes&hash=item2a0272c4f2#ht_768wt_946

Je vous recommande également la visite du site de la Maison Niepce où vous pourrez voir quelques plaques exécutées par Jean-Louis Marignier selon les formules originales de Niepce et Daguerre. http://www.niepce.com

4 commentaires:

  1. Passionnant, une fois de plus.
    Je me demande comment tu fais pour trouver le temps d'expérimenter tous ces procédés, tout en faisant tourner la boutique... Mystère. Mon admiration.

    Une petite imprécision tout de même. La colophane se passe sur l'archet, non sur les cordes. ;)

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  2. Exact ! :)
    Je n'étais pas très sûr de moi lorsque j'ai écrit ceci, j'aurais dû vérifier... je vais corriger. Merci Pierre-Loup !

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  3. Bravo pour toutes ces recherches et ces experiences partagees. J'ai eut l'occasion d'en voir et c'est vraiment tres beau. BOn courage!!
    Vincent

    PS : recette dans le dernier livre consacré a Niepce http://www.niepce-letters-and-documents.com/book/#/1494/

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  4. Merci Vincent !
    Ce document est très intéressant. Ca me motive à retenter les opérations !

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